
Un dimanche comme les autres
C’est dimanche matin, et je n’ai pas commencé par écrire. C’est souvent comme ça, le dimanche. Je traîne, je vais au marché ou aux puces, je feuillette des livres d’images, je lis les histoires des blogs amis à la terrasse du café du village, j’envoie des mots doux. Ça reste un jour à part. Même si j’ai décidé d’écrire chaque matin, les matins dimanche, c’est pas pareil.
Aujourd’hui, j’ouvre des boites de photographies. Celles que je chine chez les brocanteurs. Ces petites photos de rien du tout à bords crantés qui tiennent dans la paume, et qui racontent la vie des gens d’avant. La vie dont on ne m’a rien dit. La vie de tous les jours.
Passer du temps à regarder ces petites images sans importance provoque toujours beaucoup d’émotion en moi, quelque chose de la tendresse. Teintée d’une nostalgie de ce que je n’ai pas connu.
Enfin, elles ne parlent pas vraiment de la vie de tous les jours.
Il est facile de deviner que beaucoup de ces photographies ont été prises un dimanche.
C’est le jour des photographies et des beaux habits.
Des repas ensemble, des pique-niques au bord de l’étang. A l’ombre des chênes, des saules ou des peupliers.
C’est le jour des jolies nappes. Des coiffures soignées. Parce qu’il faut être beau sur la photo.
C’est le jour de la famille réunie et des amis retrouvés.
C’est le jour où on chante et on danse.
C’est le jour de la sortie de la messe et du baptême des petits.
C’est le jour où les enfants ne doivent pas emmerder les parents et sont libres comme l’air et la rivière.
C’est le jour où tout à l’heure, ils se feront houspiller parce qu’ils ont sali leurs habits tout neufs en sautant dans les flaques ou en tombant dans la mare.
C’est le jour des douces ivresses. Des premiers baisers. Des infidélités qui se voient comme le nez au milieu de la figure.
C’est le jour des guinguettes et du petit vin blanc, qui finit par cogner un peu.
C’est le jour des joues rougies – on les voit sur le noir et blanc jauni par le temps – après les repas bien arrosés précédés des doubles Ricard et suivis du café pousse-café, parce que bon, on va pas se refuser ça quand même.
C’est le jour des siestes pour digérer tout ça.
C’est le jour à photographier.
Parce que les petits bonheurs, il faut en garder un souvenir.
Je me dis qu’on a peut-être perdu les dimanches. L’exception des dimanches.
Je ne sais pas si je le regrette.
On photographie tout comme des fous avec nos téléphones, partout tout le temps.
Je ne sais pas si c’est bien ou pas.
Je ne sais pas si c’était mieux avant.
Pour tout te dire, ça m’est égal.
J’avais juste envie de t’écrire un petit mot, pour te le souhaiter doux, ce dernier dimanche d’octobre.
Je t’embrasse et je te laisse sur cette courte phrase de la voix off de La jetée de Chris Marker :
« D’autres images se présentent, se mêlent, dans un musée qui est peut-être celui de la mémoire. »
De notre mémoire ?